Le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda, ainsi que l’Alliance Fleuve Congo (AFC) dont le M23 fait partie, ont menacé, placé en détention et attaqué des journalistes, des détracteurs et des activistes de la société civile depuis leur prise de Goma dans l’est de la République démocratique du Congo à la fin du mois de janvier 2025, a déclaré Human Rights Watch ce mercredi 12 Mars 2025. L’Alliance Fleuve Congo est une coalition politico-militaire qui inclut le M23.
Dans son rapport rendu public sur les exactions des rebelles dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, Human Rights Watch révèle que les combattants du M23 ont fait des descentes dans des maisons et proféré des menaces de mort et de représailles, sapant le travail des médias indépendants et d’organisations de la société civile.
Les combattants du M23 ont également placé en détention des leaders de la société civile et commis des exécutions sommaires, notamment le meurtre d’un chanteur qui était aussi activiste à son domicile et de cinq hommes soumis à du travail forcé.
«Le M23, soutenu par le Rwanda, harcèle et attaque des activistes, des journalistes et des détracteurs pacifiques dans les zones qu’il contrôle à l’est de la RD Congo », a indiqué Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur la région des Grands Lacs à Human Rights Watch. « Le rétablissement d’une certaine normalité dans les villes de Goma et de Bukavu, toutes deux contrôlées par le M23, exige de permettre aux journalistes et aux activistes de la société civile de faire leur travail sans menaces, violences ou pire. »
Depuis la fin du mois de janvier, Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus d’une vingtaine d’activistes congolais et de journalistes nationaux et étrangers dans les villes de Goma, Kinshasa et Bujumbura, et a examiné des enregistrements audio d’appels téléphoniques, des captures d’écran de messages et des enregistrements vidéo et audio de discours prononcés par des responsables de l’AFC et du M23. Human Rights Watch a reçu des informations crédibles indiquant que plus de 200 activistes ont fait des demandes de protection depuis que le M23 a lancé son offensive sur Goma en janvier puis a pris la capitale provinciale du Sud-Kivu, Bukavu, en février.
Les autorités du M23 et de l’AFC ainsi que le gouvernement rwandais sont tenus de respecter le droit international humanitaire dans les zones qu’ils occupent. Ils devraient permettre aux activistes de la société civile et aux journalistes de travailler et de se déplacer librement, sauf pour des raisons impérieuses de sécurité, et faire rendre des comptes à leurs membres responsables d’abus.
Le 5 mars, Human Rights Watch a transmis par courrier électronique ses conclusions préliminaires aux autorités rwandaises pour solliciter une réponse, mais n’a reçu aucun retour au moment de la publication du présent rapport.
Après la prise de Goma par le M23 et les forces rwandaises le 27 janvier, l’AFC a remplacé la police et d’autres institutions gouvernementales nationales dans la ville. Depuis lors, des combattants du M23 ont battu et exécuté sommairement des personnes suspectées de soutenir les forces armées congolaises et leurs alliés, ainsi que des criminels présumés, et ont pillé des maisons.
Un habitant de Goma a raconté qu’un groupe de combattants du M23 est venu à son domicile le 29 janvier et l’a accusé d’avoir aidé leurs ennemis à tuer leurs « amis » sur la ligne de front. « Ils m’ont frappé le dos à coups de bâtons toute la journée », a-t-il expliqué. « Je ne peux plus marcher. Ils m’ont battu, m’ont agressé et ont pillé ma maison. »
Le 13 février, des combattants du M23 ont abattu le chanteur et activiste Delphin Katembo Vinywasiki, connu sous le nom de Delcat Idengo, à son domicile, apparemment dans une situation de non-combat. Le 20 février, le porte-parole de l’AFC, Lawrence Kanyuka, a accusé Delcat Idengo d’être membre du mouvement de jeunes Lutte pour le Changement (LUCHA), et a déclaré à Human Rights Watch que les combattants du M23 l’avaient tué parce qu’il portait des « insignes militaires ». Lors d’un autre incident, une source indépendante a rapporté que des combattants du M23 ont exécuté sommairement un activiste de la LUCHA ainsi que quatre autres hommes, après qu’ils ont effectué du travail forcé pour le groupe armé.
Le M23 a depuis longtemps fait recours à des menaces et à l’intimidation pour restreindre l’accès de la population à l’information et étouffer les voix critiques. Les journalistes ont déjà rencontré des difficultés pour rendre compte de la situation à Goma.
Le gouvernement rwandais a arrêté des civils congolais sans fondement juridique clair. En février, les autorités rwandaises ont arrêté un activiste congolais qui était entré au Rwanda avant de le remettre aux services de renseignement militaire du M23 à Goma, qui l’ont détenu pendant sept jours. Lawrence Kanyuka a confirmé que l’activiste avait été arrêté au Rwanda à la demande du M23, et détenu dans des installations des services de renseignement militaire parce qu’il « était opposé à notre régime » et avait « émis de nombreuses critiques à notre égard ». Plusieurs activistes congolais ont été placés en détention et menacés par des responsables de l’AFC et du M23.
Les forces armées congolaises et leurs groupes armés alliés sont également responsables de graves abus. Lors des combats dans l’est de la RD Congo en 2024, plusieurs groupes armés alliés à l’armée congolaise ont multiplié les attaques contre les défenseurs des droits humains. Des journalistes ont rapporté avoir subi des pressions de la part du M23 et des autorités nationales congolaises afin qu’ils ne publient que des articles positifs sur les opérations militaires.