Les Illusions de Joseph Kabila : «Une Analyse des Échecs d’un Régime Autocratique», lecture de Jean Aimé Mbiya Bondo Shabanza Expert en analyse socio-politique

À l’heure où la République Démocratique du Congo cherche désespérément à se définir par des valeurs de démocratie et de paix, Joseph Kabila, ancien président, émerge comme un acteur paradoxal. Incarnant un passé marqué par le pouvoir autoritaire, les abus de droits de l’homme et une gouvernance contestée, il se présente néanmoins comme un défenseur des idéaux démocratiques. Cette dissonance entre son discours et son héritage soulève des interrogations sur la sincérité de ses intentions et sur son positionnement en tant que donneur de leçons. Après près de deux décennies à la tête d’un État où le déclin des institutions a été la norme, Kabila déploie des propositions qui, à première vue, semblent prometteuses. Pourtant, en y regardant de plus près, on ne peut que déceler un manque flagrant de cohérence entre ses paroles et les actes durant sa présidence. Dans cet article, nous examinerons chacun de ses arguments pour illustrer comment ces illusions se heurtent à la réalité crue du bilan de son régime autocratique.

1. Mettre fin à la dictature, mieux, à la tyrannie : Joseph Kabila se présente comme un défenseur de la démocratie, mais son parcours témoigne au contraire d’un règne dictatorial maintenu par la force et la répression. En presque deux décennies, son gouvernement a multiplié les violations des droits de l’homme, avec des arrestations arbitraires d’opposants, des exécutions extrajudiciaires et une censure médiatique systématique. Kabila semble ignorer que son appel à mettre fin à la tyrannie est d’autant plus risible qu’il profite d’un héritage de terreur qu’il a lui-même cultivé. La tyrannie ne peut être dénoncée par ceux qui la pratiquent ; il doit d’abord faire amende honorable avant de proposer une voie alternative.

2. Arrêter la guerre : Alors que Kabila prône la paix, son mandat a été jalonné de conflits initiés par des choix politiques contestables, notamment lors de ses relations controversées avec le Rwanda et d’autres acteurs régionaux. La guerre a été facilitée par une gouvernance défaillante et la complaisance au sein de certaines structures militaires. En omettant de favoriser un dialogue inclusif et en développant une politique de décentralisation robuste, il a non seulement laissé perdurer les violences, mais également exacerbé les tensions intercommunautaires. Un véritable arrêt des hostilités nécessite d’aborder les causes profondes des conflits, un exercice auquel Kabila a échoué lamentablement.

3. Rétablir l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire national : Dans son discours, Kabila affirme vouloir restaurer l’autorité de l’État, mais il a été le principal destructeur de cette autorité. Sous son égide, la RDC a assisté à la montée de chefs de guerre et à l’émergence de zones contrôlées par des groupes armés. La corruption de l’État a atteint des sommets, sapant toute légitimité des institutions publiques. Son appel à une autorité retrouvée semble être l’exemple même du renversement des réalités, où il cherche à passer pour un acteur de la stabilité alors qu’il a lui-même contribué à la désintégration de l’État de droit.

4. Restaurer la démocratie en revenant aux fondamentaux d’un véritable État de droit : Les déclarations de Kabila sur le retour à la démocratie sont d’une hypocrisie manifeste, surtout pour ceux qui se souviennent des élections contestées de 2011 et 2018, qui ont été entourées de fraudes manifestes et d’intimidations. Son mandat a été marqué par des répressions brutales de manifestations pacifiques et des violations flagrantes des droits civils et politiques. La restauration réelle de la démocratie nécessite une transparence et un respect des droits humains qui ont été systématiquement bafoués durant son règne.
5. Rétablir les libertés fondamentales : Kabila se positionne comme un défenseur des libertés, mais son bilan est bien éloigné de cette promesse. Sous son régime, les libertés d’expression, d’association et de manifestation ont été régulièrement bafouées. Les journalistes et les citoyens qui osaient critiquer le gouvernement étaient souvent menacés, emprisonnés, voire réduits au silence par des moyens violents. La notion de liberté ne peut être invoquée par celui qui a orchestré la répression de ceux qui réclamaient simplement leurs droits. La restauration des libertés fondamentales passe par une véritable réforme des institutions et un engagement indéfectible à garantir la sécurité de ceux qui osent s’exprimer.

6. Réconcilier les Congolais et reconstruire la cohésion nationale : Kabila parle de réconciliation alors qu’il a lui-même exacerbé les divisions ethniques et régionales durant son règne. Les tensions intercommunautaires ont été alimentées par une gestion politique qui a négligé les aspirations des différentes communautés. Sa stratégie, centrée autour de l’exclusion et de la répression, a laissé des cicatrices profondes dans le tissu social du pays. La réconciliation n’est pas un simple discours ; elle nécessite un engagement sincère à adresser les injustices historiques et à construire des ponts entre les différentes communautés. L’absence de véritables gestes symboliques ou de politiques inclusives soulève des questions sur la volonté réelle de Kabila de rassembler les Congolais.

7. Relancer le développement du pays par la mise en place d’une bonne gouvernance : Les promesses de relance du développement et de bonne gouvernance de Kabila manquent de crédibilité, étant donné l’héritage de malversations et de détournements de fonds qui ont caractérisé son administration. La gestion opaque des ressources naturelles, bien que le pays soit riche en minerais, a enrichi une élite au détriment du peuple congolais, plongé dans la pauvreté. Les nombreuses promesses de programmes de développement se heurtent à un mur de réalité : la corruption systémique et l’absence de volonté politique pour engager une véritable transformation économique. La bonne gouvernance ne peut être évoquée par ceux qui ont pris part à une telle dilapidation.

8. Relancer le dialogue sincère et permanent avec tous les pays voisins : Le souhait de Kabila de relancer le dialogue avec les pays voisins ne peut qu’éveiller un sourire amer, tant les relations de la RDC avec ses voisins ont été marquées par la méfiance et les conflits. Kabila, dont le règne a été émaillé de relations tumultueuses, notamment avec le Rwanda, semble ignorer que la coopération régionale exige une vision à long terme fondée sur le respect mutuel et la résolution pacifique des différends. La nécessité d’un dialogue sincère est étouffée par le manque de confiance qui règne parmi les acteurs régionaux à cause de l’héritage de son administration. Pour établir des relations durables, il ne suffit pas de piper ses mots ; il faut des actions concrètes et un investissement réel dans la diplomatie régionale.

  1. Rétablir la crédibilité du pays auprès des partenaires** : Kabila évoque la nécessité de restaurer la crédibilité de la RDC sur la scène internationale, mais son passé obscur est un obstacle majeur. Les promesses d’un nouveau départ en matière de relations internationales ne peuvent occulter les années de mauvaise gouvernance et de violations des droits de l’homme qui ont terni l’image du pays. La crédibilité est construite sur des actions concrètes et des engagements respectés. Les partenaires internationaux ont souvent été déçus par les promesses non tenues et les retours sur des engagements clairs, ce qui crée un climat de scepticisme à l’égard de toute déclaration faite par Kabila. La construction de cette crédibilité exige non seulement des mots, mais une transformation radicale des pratiques qui ont causé tant de préjudice.
  2. La fragilité des institutions démocratiques

Sous la direction de Joseph Kabila, les institutions démocratiques de la République Démocratique du Congo (RDC) ont montré des signes de faiblesse systémique. Si l’on considère la manière dont les élections ont été organisées et les résultats proclamés, l’absence de transparence et d’équité indique un déclin de la démocratie plutôt qu’un renforcement. Kabila a souvent évoqué le besoin de stabilité, mais cette stabilité a souvent été synonyme de répression politique et d’absence de véritable opposition. Les critiques de son régime ont été étouffées, et les voix dissidentes ont été réduites au silence par des moyens parfois violents. Ce climat d’intimidation et de contrôle démontre que, contrairement aux préceptes démocratiques, la gouvernance de Kabila était davantage axée sur la préservation du pouvoir que sur la promotion de la participation citoyenne.

11. Le développement économique au service du pouvoir

Un autre aspect critique de la présidence de Kabila est la manière dont le développement économique a été instrumentalisé. Bien que certaines initiatives auraient pu promouvoir le progrès, elles ont souvent servi à renforcer sa position et celle de ses alliés. Les ressources naturelles de la RDC, qui pourraient bénéficier au peuple congolais, ont été exploitées au profit d’une élite politique et économique. Au lieu de mettre en œuvre des politiques inclusives favorisant un développement équitable, Kabila a maintenu un système qui privilégiait les intérêts des proches du pouvoir. Cette approche a non seulement exacerbé les inégalités, mais a également alimenté la corruption, sapant ainsi les fondements d’un véritable développement démocratique.

12. L’absence de véritable engagement en faveur des droits humains

Sous le régime de Kabila, les droits humains ont souvent été bafoués. Bien que des discours aient été tenus concernant l’importance des droits et libertés fondamentaux, les faits parlent d’eux-mêmes : des arrestations arbitraires, des violences policières et des atteintes à la liberté d’expression ont marqué cette période. Un véritable démocrate devrait défendre et protéger les droits des citoyens, même ceux qui s’opposent à lui. Cependant, Kabila a démontré une volonté de maintenir un contrôle strict sur la société, décourageant toute forme de contestation. Cette gestion des droits humains témoigne non seulement d’un mépris pour les principes démocratiques, mais aussi d’une incapacité à comprendre que la démocratie n’est pas seulement un cadre institutionnel, mais un engagement envers la dignité et le respect des droits de chaque individu.

Conclusion

En somme, la présidence de Joseph Kabila a révélé un décalage entre ses déclarations sur la démocratie et la réalité vécue par les Congolais. Les défaillances dans la gouvernance démocratique, l’utilisation des ressources économiques à des fins personnelles, et la violation systématique des droits humains soulignent un régime qui, au lieu de promouvoir la démocratie, l’a contournée. Il est impératif pour la RDC d’examiner ces éléments et de travailler vers une véritable démocratie, qui respecte les droits et aspirations de tous ses citoyens.

À travers ces analyses, il devient évident que Joseph Kabila, dans son discours, réclame un changement qu’il n’a ni incarné ni encouragé durant ses années au pouvoir. Sa résonance avec ces idéaux démocratiques semble davantage être une tentative désespérée de restaurer une légitimité perdue. Le véritable chemin vers un Congo démocratique et prospère réside dans la prise de responsabilité et une volonté palpable de réparer les erreurs du passé, une tâche pour laquelle Kabila ne semble ni préparé ni vraiment engagé.

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