La toile est surchauffée ces jours-ci par des publications intempestives sur la poursuite de l’instruction dans le fond de l’affaire dite «Bukanga Lonzo ». Ce, et surtout plus à cause de la déformation des propos tenus par l’Officier du Ministère Public à l’égard des trois prévenus qui ont brillé par leur absence à l’audience du 23 avril 2025.
En effet, tout est parti de la récente prise de parole de l’ancien Premier ministre Matata Ponyo à la plénière de l’Assemblée nationale du 17 avril 2025 au cours de laquelle il a tenu des propos qui ressemblent à un cri d’alerte d’un enfant sollicitant l’intervention de sa mère face à un adulte qui le menace. De son propos qui s’apparente à une propagande politicienne, il est ressorti plusieurs contrevérités qui ont touché la sensibilité des députés nationaux dont certains se sont solidarisés sans vérifier sa véracité. Si dessous les différents propos que nous essayerons de remettre dans leur contexte.
« … J’étais surpris comme tout le monde d’être une fois de plus convoqué par la Cour constitutionnelle et j’y suis allé par respect à la haute cour alors que je suis député et couvert des immunités parlementaires et donc ne devais y aller qu’avec autorisation de l’Assemblée Nationale, ce que recommande la constitution ainsi que le règlement d’ordre intérieur…. », disait Matata Ponyo devant la plénière de l’Assemblée Nationale le 17 avril 2025 alors qu’il sait que cette cause a été appelée depuis l’année passée et renvoyée pour plusieurs raisons.
« Quelle était ma surprise d’entendre le juge dire que cette immunité parlementaire pour nous elle ne vaut rien. Et on me l’a répété plusieurs fois. Il y a même un juge qui a dit voilà, ce type d’immunité il y en a pour l’opposition et pour la majorité … », poursuit-il.
« Nous n’avons pas peur d’affronter la justice mais nous voulons que les lois de ce pays soient respectées. Si la Cour constitutionnelle veut entendre un député, elle n’a qu’à suivre ce que veut la constitution ainsi que le Règlement d’Ordre Intérieur de l’Assemblée Nationale », conclut-il en oubliant qu’un justiciable qui veut réellement affronter la justice afin que la vérité éclate dans une affaire dont il est accusé peut se passer des préalables.
En réaction à ce mot, le Président de l’assemblée Nationale Vital Kamerhe a réagi dans ce sens :
« Je dois rappeler à l’auguste assemblée qu’en son temps quand le PG près la Cour de cassation m’avait saisi sur le cas de Nicolas Kazadi, vous avez autorisé que ce dernier puisse faire ses enquêtes, son instruction mais qui a abouti à un non-lieu. Je me demande pourquoi nos amis de la Cour Constitutionnelle n’ont pas procédé de la même façon. Et il ne suffit pas simplement de demander la levée des immunités d’un député pour l’obtenir, il faut la motiver. Dans le cadre de la collaboration interinstitutionnelle, nous attendons donc une correspondance de la cour constitutionnelle. Nous voulons aussi que chacun puisse garder ses prérogatives ».
La correspondance du prévenu Matata Ponyo à la Cour constitutionnelle:
Contrairement à ce que d’aucuns pouvaient imaginer, l’individu Matata s’est substitué en plénière en décidant de saisir par correspondance la cour constitutionnelle au nom de l’Assemblée Nationale pour justifier son absence à l’audience au cours de laquelle était prévue la poursuite de l’instruction dans le fond de l’affaire.
« … Ainsi la plénière de l’Assemblée Nationale, après avoir décrié la manière dont ces poursuites sont exercées, a décidé que la Cour constitutionnelle puisse se conformer à la procédure telle qu’édictée par la Constitution et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale… De ce qui précède, il est indiqué que je me conforme à la position de mon institution, l’Assemblée nationale, la seule institution constitutionnellement habilitée de décider de la levée des immunités parlementaires, pour me permettre de comparaitre ou pas devant la Haute et prestigieuse Cour. C’est-à-dire à la demande de la Plénière de l’Assemblée nationale, je suis obligé de me plier à l’option de l’institution à laquelle j’appartiens en arrêtant ma comparution dans le dossier sous rubrique. »
Différentes positions du Ministère public ainsi que de la Cour dans cette affaire
Avant d’aller plus loin, il sied de rappeler que toutes les audiences de la cour dans cette affaire sont diffusées en direct des pages officielles de la Cour constitutionnelle voire à la RTNC la chaine nationale. Toutes les affirmations dans cette tribune peuvent être vérifiées pour connaitre d’où viennent les contrevérités qui alimentent les réseaux sociaux.
A l’audience du 14 avril 2025, le prévenu Matata Ponyo a, à travers son collectif d’avocats, soulevé plusieurs exceptions de forme afin d’obtenir que la Cour se déclare incompétente ou à défaut, déclare la requête du ministère public irrecevable pour n’avoir pas respecté la procédure légale prévue pour obtenir la levée des immunités parlementaires ainsi que l’autorisation des poursuites.
Réagissant aux prétentions des avocats du prévenu Matata Ponyo, le Ministère public, représenté par le Procureur Général près la Cour constitutionnelle John-Prosper Moke Mayele avait fait remarquer que ces allégations de la défense constituaient tout simplement une attaque dirigée contre l’arrêt RCONST 1816 pris par cette cour le 18 juillet 2023. Ce, en violation de l’article 168 de la constitution.
Parlant de la compétence ou non de la Cour constitutionnelle à juger un ancien premier ministre, le PG Moke Mayele est resté ferme en confirmant que « la question est déjà réglée par la constitution en son article 99 relatif à la déclaration du patrimoine familial qui dispose à son dernier alinéa que » dans les trente jours suivant la fin des fonctions, faute de cette déclaration, en cas de déclaration frauduleuse ou de soupçon d’enrichissement sans cause, la cour constitutionnelle ou la cour de cassation est saisie selon le cas ».
Après avoir entendu toutes les parties au procès, la Cour avait décidé de joindre au fond toutes les exceptions soulevées par les défendeurs. Aussitôt l’instruction dans le fond avait débuté. Deux à trois questions ont suffi pour que la Cour renvoie la poursuite de l’instruction au 23 avril prochain sur demande des parties défenderesses afin de mieux se préparer.
Le 23 avril, à l’ouverture de l’audience aucune des parties défenderesses n’a acté sa comparution. Pour le prévenu Matata, la raison est contenue dans sa correspondance citée ci-haut. Après avis du Ministère public, la Cour a retenu le défaut à l’égard des trois prévenus.
Extrait de l’avis du Ministère Public à la base des polémiques « … Je vais commencer par le prévenu Matata qui s’excite de ses immunités et d’une soi-disant décision de l’Assemblée nationale à laquelle il appartient, qui l’empêcherait ou qui justifierait son absence en ce lieu. Monsieur le président, les immunités ne sont pas synonymes d’impunité… Il ne peut pas aujourd’hui chercher par des subterfuges, par des affabulations, vouloir créer des dilatoires et empêcher la cour de faire son travail en évoquant une soi-disant décision du parlement, en évoquant des immunités », disait le Ministère Public.
« Monsieur le président, le prévenu a toujours tendance à faire croire qu’il s’agissait d’un procès politique et il vous l’a dit dernièrement lors de la dernière audience. Mais, monsieur le président, si c’était un procès politique, c’est votre cour qui lui a donné l’occasion de se présenter comme candidat président, c’est votre cour qui a validé sa candidature, c’est votre cour, pour lui permettre de battre campagne, a fait ce que la loi ne lui autorisait même pas en renvoyant à 6 mois ce qui est une première dans notre histoire judiciaire. Et s’il s’agissait d’un procès politique, lorsqu’il a été élu député, c’est votre même cour qui, d’après lui, lui fait un procès politique, qui avait validé son élection comme député national. Donc, il ne peut pas aujourd’hui se réfugier derrière les immunités pour se donner une certaine impunité », poursuivait le Procureur Général.
« Comme je l’ai dit, la décision du parlement ou la résistance de l’Assemblée nationale n’existe que dans la tête du prévenu. J’ai eu à compulser le dossier, monsieur le président, je n’ai vu aucun écrit de l’Assemblée nationale, si ce n’est que la fabulation du prévenu » et « En réponse, la Cour précise que l’auteur de la correspondance n’est nul autre que le prévenu lui-même qui n’est pas à confondre avec l’institution Assemblée nationale qui saisirait la Cour par une résolution votée en plénière ».
Après l’instruction, le réquisitoire du Ministère public, la Cour a clos le débat et mis l’affaire en délibéré pour rendre l’arrêt au mois de mai.
Il ressort donc de cette longue narration des faits, contrairement aux déclarations de Matata, qu’en aucun moment le Ministère public ou un juge n’a déclaré que les immunités d’un député ne valent rien ni moins une soi-disant immunité. Il y a plutôt eu l’expression une soi-disant décision de l’assemblée nationale sortie par le ministère public pour infirmer l’existence d’une correspondance de la chambre basse gisant dans le dossier.
Cela étant, nous pensons que le prévenu Matata qui a comme stratégie de défense la discréditation de la Cour a réussi, pour son affaire personnelle, à toucher la corde sensible qui est l’immunité parlementaire pour s’attirer la sympathie de ses collègues dont certains sont tombés dans son panneau. L’exemple du collectif des 50 députés nationaux qui s’est constitué de fait pour le besoin de la cause, poursuivant avec la distillation des contrevérités en profanant des menaces à peine voilées à l’encontre de l’officier du ministère public en est une illustration. N’est-ce pas que la récente correspondance du Président de l’AN adressée à la Cour constitutionnelle vient confirmer les propos du PG Moke Mayele sur une soi-disant décision de l’Assemblée nationale qui n’existait que dans la tête du prévenu ? En quoi est-ce qu’il a outragé la chambre basse du parlement ?
Il sied de noter qu’après avoir fixé l’affaire devant la Cour, le Ministère Public est dessaisi de l’affaire et vient à l’audience comme partie au procès. Les praticiens du droit le savent.
Source : Parquet Général cour constitutionnelle